haut les coeurs
minuit et quart au saxo bar
je polissais mon coin d'comptoir
en ressassant consciencieusement
quelques récents emmerdements

y avait pas d'quoi fouetter un chat
mais j'me faisais mon cinéma
exacerbant avec entrain
tout le morose du lendemain

je fignolais mon alibi
en prévision des vrais ennuis
qui me guettaient c'était fatal
dans le giron matrimonial

j'en rajoutais j'me lassais pas
m'abandonnant à mon karma
lorsque soudain elle m'apparut
aussi craquante qu'un petit lu

je peux vous dire qu'elle en jetait
une aphrodite sur tabouret
fusains galbés de noir gaînés
millésimés très haut croisés

sûr que la nuit quoi qu'on en dise
toutes les chattes ne sont pas grises
faisant mentir l'ancien cliché
celle-ci était oxygénée

sophistiquée hyperglamour
à l'évidence faite pour l'amour
on aurait dit lana turner
sortie tout droit d'un vieux thriller

déjà j'pensais aux mille trésors
que recelait ce joli corps
comment j'pourrais sans me planter
engager les hostilités

hélas survint l'impondérable
le coup d'canif au creux du râble
sous forme d'un gros perverti
un plein aux as fort décati
qui annexa la jolie dame
avec un zèle de clergyman
tout en lissant d'un air pâmé
ses rares cheveux brillantinés

séance tenante il l'emmena
tout sucre miel et gomina
me cisaillant ipso facto
le gazon sous le godillot
et m'expédiant tout aussi sec
m'faire cuire un oeuf chez les ouzbeks
très accueillants nul ne l'ignore
pour les frustrés du réconfort

y compris moi tout était noir
à la sortie du saxo bar
ballot givré brouillard givrant
faut faire avec même les jours sans